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CHRONIQUE / REVIEW

Chromb!

Le Livre Des Merveilles

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Releases information

Release date:

March 27, 2020

Format:

Digital, CD, Vinyl

Label:

From:

Dur Et Doux

France

Mario Champagne - June 2020

8,3

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TRANSLATED REVIEW (GOOGLE TRANSLATE) BELOW FRENCH TEXT !

Demeurant à distance raisonnable de Lyon, je ne pouvais pas faire autrement qu’essayer d’en apprendre plus sur cette formation dépareillée de « gones » qui font du rock progressif sans guitare dans mon arrière-cour! Étrange quatuor se limitant à la basse, aux claviers, au saxophone et aux percussions pour livrer « un jazz déformé ou de la musique de chambre pour enfants malades et adultes émotifs » comme ils le disent si bien eux-mêmes. Le groupe s’est vu estampiller une étiquette de Jazz, avec des affiliations possibles avec SOFT MACHINE pour ses albums précédents qui sont complètement passés à côté de mon radar.

Pour ce qui semble être leur quatrième parution, ces musiciens atypiques se sont approprié la connaissance du clerc et chevalier Gervais DE TILBURY du XIIIe siècle, connaissance vantée dans son « Livre des Merveilles » dont le groupe s'inspire, empruntant même des fragments entiers. Il en résulte trois chansons et une longue pièce instrumentale aux ambiances bien distinctes, mais le tout est relié pas une volonté de faire autrement et du coup, on se rappelle une chose, c’est que le rock progressif ne fait pas toujours dans la simplicité et demande un effort aux hardis mélomanes qui s’aventurent sur certaines terres, surtout lorsque le transfert de la zone de confort auditive est brutal comme le passage dans un trou noir.

Cela peut vous sembler exagéré, mais les premières minutes du titre « Le Livre des Merveilles » séparera les hommes des enfants, en faisant fuir la majorité des curieux qui passeront à autre chose. Mais je vous incite au courage et à la persévérance. Certes, cela commence étrangement et se déroule initialement comme dans une de pièce de théâtre amateur aux percussions simplistes, naïves et minimalistes, ou alternent bruits stridents et sons grinçants, comme si on déplaçait un gros meuble sur le bitume. Ces sons sont assez agaçants et vous demanderont une foi en béton pour continuer, pour passer par la suite avec la chorale des trois chanteurs qui s’obstinent à faire rentrer de longues phrases dans de très courts laps de temps avec leurs voix de choristes fraichement pubères. N’est pas Francis CABREL qui veut, capable de dire tout sans rien dire. Mais dans cette section rapide, hors des infames bruits, il y a quelque chose. Quelque chose de bien ! De la pépite. Le refrain est intéressant et dynamique, et on s’habitue à cette chorale pseudo médiévale, qui termine ce premier titre de quatre éclectiques minutes par un genre de « new wave » post punk sombrant dans un mur de sons de réverbérations, de ballons qu’on torture et de grincements qui m’a fait penser à du RADIOHEAD en phase expérimentale. Si vous êtes encore là après cela, le plus ardu est fait. La suite devrait vous accrocher les lobes. Les braves amateurs d’expérimentations éclectiques seront aux anges car les « besogneux » y sont allé de mains fortes. « Le tout, c’est pas d’y faire, c’est d’y penser ; mais, le difficile, c’est pas d’y penser, c’est d’y faire » relatait « La Plaisante Sagesse Lyonnaise », mais ces « gones », ils ont fait les deux, sans forcer et de mains de maîtres.

La deuxième partie s’ouvre donc sur une oscillation sifflante comme dans un « space » rock de série « B » suivi de percussions tribales style « POW WOW », où la chorale, étonnamment, nous chante les éléphants et les crues du Nil sur une note un tantinet médiévale. Dans « Le fleuve Brison », soudainement, tout s'éclaire, le déclic musical se fait, une mélodie s’installe. Le chant devient de plus en plus rapide car il y a beaucoup de mots à placer car il faut le dire nos amis ont une tendance clairement textuelle qu’on leur pardonnera. Sur un beau crescendo, le titre devient vraiment intéressant vers le milieu où cela se transforme chaotiquement pour nous inspirer une vision de traversée fantastique avec des sonorités pour lesquelles j’y ai senti un certain parallèle avec ce que Robert WYATT a pu faire sur « Rock Bottom ». Une section majestueuse et superbe aux trois quarts de la pièce, grâce au saxophone qui sévit, le tout prenant lentement vers la fin un aspect plus solennelle avec la chorale qui revient et les cordes qui se lamentent comme des grosses bêtes. Cette épopée musicale s'arrête progressivement après tant d’efforts comme dans les grincements ultimes d’une vieille machine rouillée en fin de vie, qui rend son dernier souffle.

Maintenant, quant à moi, la pièce de résistance, ma préférée, « Les chevaliers qui apparaissent », qui s’écoute mieux après l’apéro, mais avant le tablier de sapeur. L’équipe de CHROMB plante une autre ambiance, aux percussions cristallines, empruntée à l'horloger, et cela évolue et sonne en effet comme du très vieux « SOFT MACHINE », avec le synthé qui a le piton collé. Montée en puissance en mode « krautrock ambient », grâce au souffle atmosphérique des claviers, et on pourrait s'imaginer à l’entrée de la cité de « Blade Runner », mais avec comme un bruit de fond de pompe à vélo ou une planche qu’on coupe à l’égoïne, pour nous rappeler que règne ici un esprit artisanal. D’ailleurs, cela est mentionné ci-haut, il y a un musicien qui joue avec des objets sans vraiment spécifier lesquels. Le jeu est d’identifier ce qu’ils ont trouvé à la quincaillerie du coin ! On s'imagine aussi par moments à l’écoute, la présence de chants de bouches inuits, à moins que cela soit encore l’égoïne scindant la planche, mais l'idée générale est vraiment de vous faire planer en contrées lointaines, sans prendre l’avion, ce qui est l’idéal en période où le confinement est la norme. Une pièce instrumentale tout ce qu’il y a de de plus expérimentale, qui nous amènent par la suite dans le trafic, avec cette sensation de klaxons dans les bouchons lyonnais, avec une panoplie de passages bruités probablement plus parlant en « live » qu'en mode « écouteurs ». Des bruits de balançoires, des cris, une perceuse électrique peut être, et des bruits de bouches, rappelant une faune hantant la jungle, en plus de ces claviers qui grincent et vibrent avec beaucoup de basse. Bestiaire cauchemardesque, peuplade étrange s'époumonant dans un chaos cinématique indescriptible. On se dit « qu’est-ce que tout cela » ? Ils ont osé sur la longueur des arrangements impossibles et d'un éclectisme hors du commun éruptant d’imaginations fiévreuses et « covidiennes ». La question ultime à résoudre serait de comprendre comment ils ont pu créer cela et comment arrive-t-il à le reproduire systématiquement sur scène. Car cette somme de bruits évolue sur une mélodie remarquable et intéressante qui devient de plus en plus sombre. Comme disait le Capitaine Kirk « Where bodly no man has gone before !” mais eux ils y sont allés et ils nous téléportent dans leur univers de folie ! Chapeau bas !

Le dernière titre, « La souvenance d’Achille », nous ramène des tambours sur un rythme très lent, qui marque de leurs sceaux le temps. L’émergence d’un chant que j’ai trouvé funéraire, plus discret et économe, annonciateur d’une séquence plus sombre, obscure, et d’une mélodie plaintive et cinématique qui lorgne entre nostalgie et tristesse, avec en prime quelques notes « métal ». A noter, la finesse de la finale instrumentale sombre de désespoir, et inspirant la mélancolie. Mais il ne faut pas être chagrin car CHROMB reviendra sûrement pour un prochain album tout aussi ébouriffant et déstabilisant. J’ose espérer.

Que reste t’il après cette épopée stylistique ambigüe et détonante, où l’on sent que ces musiciens ne se donnent aucune interdiction et se permettent tout ce qui leur passe par la tête ? Déjà, un sentiment de respect et de sympathie pour ces héroïques explorateurs sonores qui naviguent entre médiévisme et futurisme, tout en chantant en français, une denrée rare du Prog. Une admiration pour cet épique chaos maitrisé, et cette innovation qui bouleverse nos concepts et notre confiance, nous poussant à remettre en cause notre vision du progressif car ceux-ci brisent les règles en pièces. Ils jouent avec nous, se jouent de nous, en repoussant nos limites de tolérance. A cela, je dis bravo ! Et je dois déclarer un peu d’épuisement cérébral.

La maitrise de leurs instruments est évidente et l’insertion de bruitage pertinent ici et là relève le niveau de difficulté de ces contes labyrinthiques mais, harmonieusement, les rendant plus intéressants. Sans aucun doute, le niveau de complexité et d’originalité est nettement supérieur à la moyenne des parutions actuelles. Quant à la production, elle est bonne, mais reste à savoir quel pourcentage du public osera s’aventurer dans leur délire, qui mérite plus qu’une brève écoute à la sauvette. Ce n’est pas l’album confort qu’on se met en boucles sur la platine pour relaxer. J’y voit plutôt une expérience à vivre, sporadiquement. Une création artistique hors des sentiers battus et en marge du secteur mercantile du monde musical, et qui mériterait plus d’exposition. Je vous recommande de commencer l’approche par « Le Fleuve Brison », la plus accessible et qui plaira au plus grand nombre. Quant à moi, je dois prendre un cachet avant d’aller découvrir avec plaisir leur discographie antérieure. Sur ce, bonne découverte !

    1. Le livre des merveilles (4:10)
    2. Le fleuve Brison (9:07)
    3. Les chevaliers qui apparaissent (12:05)
    4. La souvenance d'Achille (7:44)

PISTES / TRACKS

musiciens / musicians

Léo DUMONT- Drums, Percussions, Objects
Camille DURIEUX - Keyboards, Synthesizers, Vocals
Lucas HERCBERG - Bass, Synthesizers, Vocals
Antoine MERMET - Alto Saxophone, Synthesizers, Vocals

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