ENTREVUE / INTERVIEW
Apairys
With: Silvain Goillot & Benoît Campedel
ALBUM REVIEW HERE
Alain Massard - June 2024
PROFILPROG : Tout d’abord merci d’avoir accepté l’invitation pour discuter de la sortie du nouvel album. J’aimerai que vous débutiez par une présentation personnelle, ce que vous pouvez dire de la naissance du groupe ?
BC : Silvain et moi nous sommes rencontrés il y a 10 ans à présent. Nous avions tous les deux une passion pour le rock progressif, et avions en commun d’avoir participé à des groupes quelques années auparavant : Silvain au sein de Maldoror et moi au sein de Saens. Nous avons travaillé quelques morceaux pour le plaisir, puis nous y avons pris goût et décidé de faire cela plus sérieusement. Les choses se sont concrétisées lorsque Christophe Bellières nous a rejoint au chant (ancien de Maldoror lui aussi). Notre premier album a suivi un an plus tard.
PP : Vous jouez de la musique depuis longtemps ? Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la musique ?
BC : J’ai toujours fait un peu de musique, plus ou moins sérieusement quand j’étais très jeune puis adolescent, plutôt au clavier. Cela s’est manifesté plus sérieusement lorsque j’étais étudiant et que je me suis mis à la guitare avec des copains pour des reprises lors des concerts de fin d’année, la fête de la musique, etc. J’écoutais beaucoup de musique, c’était un aspect important de ma vie, et l’opportunité de jouer qui s’est présentée m’a fait basculer d’auditeur à musicien.
SG : Pour ma part, j’ai commencé la batterie à l’âge de 17 ans à peu près. Nous avions formé un groupe avec des amis d’enfance. Je suppose que ça se passe souvent comme ça ? Mais j’écoute du prog depuis mes 11 ans ! Un de mes frères en écoutait. Ceci explique (en partie) cela.
PP : Quelles sont vos plus grandes influences ?
SG : Sur ma première cassette (ça date !), il y avait Genesis « And then there were three » d’un côté et Supertramp « Breakfast in America » de l’autre. Bien sûr, par la suite, d’autres groupes sont venus s’ajouter. Toujours aussi « classiques » : Yes, Pink Floyd, King Crimson, Mike Oldfield, Gong et tant d’autres ! Ce qui fait que je garderai toujours un côté seventies. Ça ne m’empêche pas d‘écouter avec délectation le progressif d’après (Marillion, Porcupine Tree, Saga, Anekdoten, The Flower kings etc.). Beaucoup de Jazz-Rock aussi: Ponty, Weather report, Return to forever, Pat Metheny, Mahavishnu, Uzeb.
Mais alors que j’étais encore au lycée, une véritable révolution s’est opérée. J’étais habitué à emprunter des cassettes dans une MJC et je suis tombé sur « Au-delà du délire de Ange ». Comment ça !? Du texte en français sur de l’excellente musique !? J’étais complètement fasciné ! J’ai ensuite écouté avec admiration d’autres groupes de prog français comme Atoll, Mona Lisa et quelques autres mais je n’ai jamais retrouvé cette magie qui s’était opérée en moi avec Ange. Sauf peut-être avec Harmonium, même si le style est bien différent. Mais quelle émotion !
BC : J’ai toujours du mal à parler de mes influences, car j’ai l’impression que ma musique n’a aucun lien avec ce que j’écoute. Mais si je me limite ici au rock progressif, j’ai beaucoup écouté Marillion, IQ et Dream Theater. Je passe les classiques des 70’s que tout le monde connait. Cela étant, j’ai un mur entier chez moi dédié à des affiches d’Iron Maiden, et un des groupes que j’écoute le plus ces derniers temps est Evergrey. Nous sommes loin d’Apairys :-D
PP : Vous sortez « Ni l'espace, ni le temps… » 5 ans après « Vers la lumière », quelle évolution voyez-vous dans ce nouvel album ?
SG : La première qui me vient à l’esprit c’est que « Ni l’espace, ni le temps… » est un album concept. Avec des interludes entre chaque titre qui renforcent le côté concept. L’album est aussi plus long et peut-être plus abouti ? Et puis il y a 3 chanteurs. Ce n’est pas vraiment une évolution mais ça fait maintenant partie de l’histoire d’Apairys. En tout cas, j’espère que nous avons su garder notre identité tout en nous renouvelant.
PP : Un moment important c’est la pochette, avant de partir sur l’écoute. Silvain, peux-tu expliquer un peu le sens de la pochette?
SG: Comme je l’ai dit, cet album est un album concept. Ce n’est pas une histoire qui se raconte de morceaux en morceaux mais tous les titres sont construits autour des thèmes du temps et de l’espace (d’où le titre de l’album, extrait du texte de Passions Astrales). Pour la pochette, c’est un peu comme pour les textes : j’aime beaucoup laisser de la place à l’imagination de celui qui regarde. Tout en me faisant plaisir artistiquement parlant. L’idée de départ c’était d’intégrer une horloge pour symboliser le temps bien sûr mais je voulais aussi qu’elle soit fondue avec le ciel pour illustrer l’espace-temps. Le reste vient se greffer au premier plan de cette toile de fond : le ponton et le personnage peuvent s’interpréter de plusieurs façons. Chemin ? Monde parallèle ? Contemplation ? Solitude ? Immensité ? Éternité ? Autres ?
A propos de l’idée du chemin et des mondes parallèles, ceux qui auront le CD entre les mains pourront explorer cette idée de façon plus détaillée. J’en profite pour rappeler qu’il est encore possible de le précommander sur Ulule !!!!
PP : Venons-en aux titres de l’album, la voix, oui la voix en français, les 3 voix de fait, un choix facile?
BC : Sur la question des 3 voix, plus qu’un choix, c’est un mélange de contraintes et d’opportunités. Nous avons évidemment collaboré avec Christophe Bellières qui avait fait l’intégralité du chant de notre premier album. Mais l’album a mis un peu de temps à murir, et Christophe s’est retrouvé très pris par d’autres projets. Nous avons alors décidé de chercher d’autres voix et pris quelques contacts. Puis les choses se sont imposées logiquement à nous. Deux morceaux de cet album sont basés sur des compositions que j’avais faites avec Pascal Bouquillard, avec qui j’étais resté en contact après notre aventure au sein du groupe Saens. Nous l’avons sollicité et pour notre plus grande joie il a accepté sans hésiter ! Et Silvain avait déjà fait ses classes sur son album solo, il a donc naturellement pris le micro sur le dernier morceau qui lui tenait à cœur. Ce sont trois voix différentes, par leur timbre et leur personnalité, mais qui me semblent cohérentes avec les différentes ambiances de l’album. C’est un choix que l’on referait sans hésiter.
SG : Je confirme ! Et pour le fait que le chant soit en français, j’ai commencé à écrire mes premiers textes à l’âge de 17 ans à peu près. C’était intimement lié à la musique car je n’étais pas du tout destiné à ça 😊 Si je n’avais pas été musicien, il est possible que je n’aie jamais écrit de texte. Et donc, la question du texte en anglais ne s’est pas vraiment posée. Pourtant, au départ, j’étais comme beaucoup. Je trouvais la langue de Molière moins musicale que celle de Shakespeare. Mais assez rapidement, m’est venu le goût de la poésie (Ange y est vraiment pour quelque chose : merci Christian Décamps !). Surtout Baudelaire et Rimbaud en fait, même si d’autres sont venus enrichir mes lectures depuis. Et quand je les relis aujourd’hui (ou quand je les mets en musique), je constate à quel point ces génies savaient faire chanter la langue française. Il n’y a qu’à écouter l’Horloge (premier titre de l’album, sur un texte de Baudelaire) pour s’en rendre compte. C’est un peu comme si le texte m’avait dicté les mélodies. Et quand un chanteur comme Christophe Bellières vient s’approprier la chose, ça devient juste magique pour les compositeurs. Et j’espère pour les auditeurs !
PP : Toujours pour les textes, que dire justement à celui qui va écouter de façon attentionnée et peut-être moins décoller comme sur ‘Passions astrales’ du fait de se concentrer sur ledit texte?
SG : L’idée de départ du texte de « Passions Astrales » tourne autour de « l’amour éternel ». Concept sur le temps oblige. Un humain s’empare des secrets de l’univers pour les offrir, en quelque sorte, à sa dulcinée, afin de faire durer son amour pour elle éternellement, pour que « Ni l’espace, ni le temps » ne les empêche de s’aimer 😊 Je préfère ne pas en dire plus. Toujours pour laisser la place à chacun de se construire ses propres images.
Et pour prodiguer des conseils à celui qui va écouter (Passions Astrales ou autre), je suis peut-être un peu mal placé. S’il s’agit de difficultés avec le chant en français, à part de se laisser porter par la musique des mots (facile à dire), je ne vois pas trop. Et puis, à force de parler des textes, j’ai l’impression qu’on en oublie que les passages instrumentaux sont plus nombreux que les passages chantés !
Ah d’ailleurs, puisqu’on parle de texte en anglais et en français. Qui saura reconnaitre des albums anglais dans le texte du titre Origines ? Ce sera un autre exemple qui prouvera qu’il y a plein de manière d’écouter ou de lire un texte. Des choses cachées par-ci, par-là…
PP : Les interludes ont ce côté progressiste qui permet d’imaginer et de se projeter facilement, à prendre comme un havre de paix musical ou comme un passage entre les titres chantés?
SG : L’idée des interludes est venue de Benoit. Et comme ils correspondaient parfaitement au thème du temps (titres espacés à intervalles réguliers par des respirations), on a tout de suite aimé l’idée tous les deux. Pour moi, ils sont à prendre comme on les entend ! Mais Benoît en parlera mieux que moi.
BC : ce sont vraiment pour moi des respirations entre des morceaux qui sont beaucoup plus denses. Nous avons pas mal de ruptures et de changements d’ambiance. Les interludes sont un moyen de proposer un temps plus calme, plus linéaire, plus homogène.
PP : Pour l’orchestration, si je vous dis qu’APAIRYS a sorti un album néo-prog plutôt qu’Heavy prog et qu’il fait honneur au rock prog français, vous acquiescez ou vous êtes au-delà des étiquettes, des cases et des critiques ?
BC : Sans être au-delà des étiquettes, je n’accorde pour ma part pas d’importance à ces classifications car je ne les maitrise pas et suis incapable de les définir. Un même morceau va être vu de façon différente par deux personnes avec des cultures différentes. J’aime des albums considérés néo-prog, j’aime aussi des groupes dits d’Heavy prog. Où est-ce qu’on se situe ? Je n’en ai sincèrement aucune idée. Je pense qu’on fait du progressif, au moins par les structures de nos morceaux. Plutôt du rock progressif par les ambiances et notre son. Et du rock progressif français, à cause du chant. Je ne sais pas être plus précis.
SG : En tout cas, si tu nous dis que notre album fait honneur au prog français, je suis quand même très, très touché et flatté ! Après un tel compliment, qu’on range l’album dans le Heavy Prog ou le néo-prog, ça devient plus accessoire, en effet. En revanche, j’aime la critique. J’ai l’impression que ça me fait avancer… Même si ça peut faire mal parfois, il faut savoir l’accepter je pense.
PP : dernière question plus personnelle : vous vivez la musique comme un exutoire, une passion, un message à ceux qui oublient que le français vaut le coup d’être mis en valeur dans le rock progressif?
SG : Tout à la fois et plus encore ! Bon après, l’idée de départ des textes en français n’est pas la promotion du prog français 😊 Je revendique avant tout le statut de groupe de rock progressif « tout court ». Ce « style » que certains voient comme une case réservée à des initiés, je la vois justement comme tout le contraire. Il y a tellement de diversités et d’ouvertures dans le rock progressif que c’est sans doute la musique qui n’en a justement pas, de style. Et il n’y a pas de raison pour qu’il n’en soit pas de même avec le rock progressif français.
BC : un mélange d’exutoire et de passion pour ma part. Certainement pas un message. J’ai une approche assez egocentrique, je joue et compose pour moi. L’intérêt de la collaboration avec Silvain est de m’obliger à ouvrir un peu mon approche, à intégrer ses propositions et ses émotions, et à composer aussi pour lui.
PP : Un mot de la fin pour terminer et me laisser plonger dans l’album?
SG : Nous avons vraiment pris du plaisir à composer cet album. Prendre du plaisir quand on compose, ça reste le maitre-mot pour nous. J’espère que les auditeurs en prendront autant à l’écouter !
Merci Alain.
BC : Et si vous appréciez notre musique, n’hésitez pas à la partager autour de vous. Et merci Alain pour ton soutien.