DONNER, c’est un autre projet du prolifique multi-instrumentiste, compositeur et producteur norvégien Jacob HOLM-LUPO, également meneur de troupes de WHITE WILLOW et THE OPIUM CARTEL. Il gère également le label « Termo Records ». Ici, un deuxième album qui fait suite au très bon « Hesitant Light » de 2021. Intitulé d’un nom étrange, « The VAN GENNEP Gap », qui mérite quand même quelques explications, car il est tout de même drôlement songé.

VAN GENNEP, Arnold de son prénom, était un ethnographe européen qui a inventé le concept de « liminalité », qui fait référence à l’ambivalence, à la confusion ou à la désorientation ressenties au milieu d’un rite de passage, lorsque les participants ne détiennent plus leur statut pré-rituel mais n’ont pas encore commencé la transition vers le statut qu’ils détiennent à la fin du rite. Un état transitoire qui en québécois pourrait se traduire vulgairement comme avoir le cul entre deux chaises. Mais pour HOLM-LUPO, cela se traduit par des espaces communs et des moments discrets de tous les jours où se révèlent en une fraction de seconde des petits moments magiques de beauté, réservés aux initiés qui ont l’œil. Car cet artiste profite de ses moments de contemplation pour voir la beauté partout, surtout les beautés cachées éphémères, que ce soit sur un mur de résidence, de commerce ou d’usine, dans des zones urbaines et industrielles.

Celui-ci habite dans la région de Grenland, au sud-est de la Norvège. Par cette proposition totalement instrumentale, il nous livre une série d’images musicales évocatrices, relativement cinématiques, pour nous transmettre sa vision et ses impressions ressenties lors de ses observations de lieux quotidiens de sa région qui l’ont inspiré et fait vibrer. Il s’est adjoint l’aide de quelques virtuoses qui font bonnes impressions, dont le guitariste Stian LARSEN, le trompettiste Jonas VEMORK KILMØY et le flûtiste Kristoffer MOMRA.

Cet album propose une fusion subtile et riche d’une quantité folle de textures sonores et il devrait plaire aux amateurs de claviers en tout genre, où il fait des merveilles pour inventer des sonorités éclectiques, usant d‘échos, de réverbérations, de boucles programmées, en mode minimalisme ou avec un dynamisme funky. Dans ses tableaux, il évoque la tristesse, le tragique, la lenteur, la joie, l’épique, les grands espaces, les vagues, la nature, le vent, une faune étrange et des machines.

Une musique électro ambiante qui fait souvent très années 80 tout en restant résolument moderne par ses arrangements, mais pas seulement, car elle s’inspire aussi un peu de la « Dream Pop » et du Jazz de cette même période, quand ce n’est pas le « new age » ou le « World Beat », qui fait très style « Buddha Bar » du début des années 2000, avec de subtiles inclinaisons orientales ou moyen orientales. Son pouvoir d’évocation est assez brillant sur le morceau « I Saw Bright Lights Above the Hills » où musicalement il suggère de grands espaces et par ses percussions massives on penserait au pouls d’un explorateur qui fait une progression ardue sur une montagne.

Globalement, il s’agit d’une musique d’ambiance très classe et très inspirée qui s’écoute sans effort, très accessible, les titres étant plutôt très courts. Cela s’écoute très bien en boucles et les écoutes successives livrent graduellement une charge émotive bien présente. La production est excellente, puisque c’est son métier. Il n’y a plus qu’à l’adopter ! Titres préférés: « Kebab Kowboys », « Starring Wings Hauser » et « Mists of Frierfjorden ». Bonne écoute !