Cloud Sculptors est le premier album de FULL EARTH, un quintette de rock instrumental expérimental (selon eux) et de « stoner » progressif (selon moi) qui est originaire d’Oslo. D’emblée, sachez que pour un premier album, ils n’y vont pas de mains mortes ! Plus d’une heure et demie de musique, avec six morceaux dont quatre font entre 13 et 21 minutes et qui sont excellents. Il faut donc avoir du temps devant soi pour pourvoir absorber tout cela. Des six morceaux, les deux plus courts sont étrangement disparates par rapport aux autres énormes bombes, tellement qu’on croirait avoir changé de formation lors de leurs écoutes, ce qui tue un peu l’effet de cohésion. Mais ils signalent qu’ils sont fans de la musique minimaliste jouée à l’orgue de Terry RILEY, et de différents autres artistes comme James FERRARO et Györgi LIGETI et qu’ils avaient le goût de créer quelques choses dans ce genre et de partager cela avec nous. Toute la musique de l’album est composée par Ingvald VASSBO, qui est en plus comme vous le constaterez, un batteur dément. Vous noterez également qu’il y a trois claviéristes ce qui signifie une promesse d’échanges délirants sur cet opus mastérisé par Christian OBERMAYER.

L’album s’appelle « Cloud Sculptors » mais il aurait aussi mérité de s’appeler « Power Supply », pour l’effet produit sur mon niveau d’adrénaline par les quatre longs morceaux. Si vous être fans de « stoner rock » lourd, sale et dynamique à la ELDER, SLEEP, HIGH ON FIRE ou EPHEDRA, vous allez être servis mais avec en prime une belle complexité progressive et exploratrice où l’on mélange les rythmes, les styles et les niveaux d’énergie.

Commençons par « Full Earth pt I: Emanation » et cela débute raide et très fort avec 21 minutes dynamiques où la panoplie de synthés rend tout cela épique. Ils savent faire monter la tension progressivement, lentement, amenant la tension énergétique à des pointes culminantes en mode « stoner Prog » balèze, (les fans d’ELDER vont adorer), jouant de la polyrythmie et des passages vaseux, créant de grosses boules d’énergie sur le point d’éclater, mais qui nous font sauter sur une succession de moments excitants, où l’on amasse encore plus d’énergie pour la relarguer dans un nouveau concept sonore qui lui aussi vise la canopée. Un délire exponentiel ! C’est à l’image de la pochette, de l’énergie continue et contenue, qui ne souhaite juste qu’une chose, passer au prochain big bang. Claviers volubiles cristallins répétitifs comme des pies célestes, guitares lourdes menaçantes, contrastes entre l’aigu et le lourd, imagination folle à l’œuvre, il y a tellement à découvrir que cela pourrait en devenir épuisant tellement parfois c’est trop ! Mais imaginez ce que cela doit être pour eux ! Pour ma part, celle-ci s’élève au rang de ma préférée, suivi de la suivante.

Avec « Cloud Sculptors », on a encore droit à 20 minutes épiques, où dans leur recherche sonore, ils mettent en relief une faune artificielle, j’y entends des oiseaux mécaniques, comme si des bêtes communiaient dans une atmosphère étrange, avec des crotales à la RUSH de « Xanadu », ce qui jette un gros contraste avec la précédente, car le développement y est plus lent, répétitif, mais après la troisième minute, FULL EARTH charge en puissance, et surprise, libère sa grosse guitare saturée qui était embusquée ! Quel sens du riff, dans ce « stoner » accompagné de synthés « space », avec une puissance sonore équivalente au premier titre. VASSBO sur les fûts est déchaîné et s’en suit une succession de riffs et tournures sonores accrocheuses, avec une phase finale plus pastorale, et on se rend compte qu’ils excellent également dans la subtilité et le calme.

« Weltgeist » est la première pièce de musique expérimentale au clavier. Caverneuse, elle nous inspire des sonorités d’église dans une ambiance grave, solennelle, et mystérieuse. Évidemment, le contraste est terrible avec les brûlots précédents. J’y ai trouvé bien des longueurs et on dirait que cela ne va nulle part. Il faut dire qu’avant on filait à MACH 1 et on tombe au neutre avec celle-ci.

« The Collective Unconscious » commence également par un développement lent où l’on brode autour d’un air de flûte. S’en suit une progression intense au niveau dramaturgie par le pincement des cymbales, quand les claviers prennent le dessus, et que des solos de guitare intenses à la SANTANA et LED ZEPPELIN, s’alignent avec en toile de fonds des percussions percutantes, dans une atmosphère où l’on mélange « stoner », musique électronique et « hard rock » bluesy. « Echo Tears », le deuxième morceau expérimental au clavier qui joue de la modulation d’ondes mélodieuses rapides, et fait dans musique électro ambiant, demeure également très différente du reste, et m’a laissé de marbre.

Finalement, la suite de la première pièce, « Full Earth pt II: Disintegration », qui nous accueille avec des bruits de mer, des ondes pulsées répétitives, développant un truc bien chargé en polyrythmie, pour nous offrir un autre déferlement dément dans le style là où ils excellent. Il y a vraiment du lourd dans ce dernier morceaux avec des moments jubilatoires, chaotiques, et disons-le, un peu destructeurs !

Pour un premier album, c’est une sacrée démonstration de puissance et d’imagination. Ils livrent leurs prestations avec assurance alors que ces morceaux représentent des exercices périlleux. Et ils m’ont fait plaisir souvent, avec des surprises et cette volonté de vouloir en donner encore plus. Que de générosité pour nous livrer cette énergie contagieuse. Les quatre morceaux longs sont plaisants à souhait, dommage pour les exercices expérimentaux qui tombent à plat, et qui nuisent un peu au rythme et à la cohésion de l’album. Mais autrement, que dire, sinon hautement recommandable et à écouter d’urgence ! Chapeau ! Titres préférés : « Full Earth pt I: Emanation » et « Cloud Sculptors ». Bonne écoute!