Marcin PAJAK quitte sa zone de confort en se construisant son propre vaisseau et en explorant l’espace, réputé infini, dans le but d’y trouver une planète pouvant accueillir l’humanité. Dans un souci de modestie, il met ses textes à la troisième personne du singulier. Chacune des onze compositions narre un épisode particulier. Elle pourrait, au premier abord, être écoutée isolément. Ce serait une erreur, l’ensemble étant cohérent, homogène et totalement narratif.

« No More Time » est le constat lugubre de l’état général de Gaia. La voix, réverbérée, a quelque chose de sinistre. Le tempo est lent, lourd. C’est le déclencheur de la quête. Beaucoup plus joyeux, porteur d’espoir, « Building The Rocket » ne peut voiler son contenu. Rythme capricant même si en mid tempo, interventions jazzy au saxophone, chant enjoué, le ton est à l’optimisme. Compte à rebours, le saxophone reste en place, stimulé par une sirène qui annonce un départ imminent « Litoff ». La guitare s’impose et le tempo s’accélère. On y est! « Gravity » exprime la fièvre, l’émerveillement des premières émotions, l’étonnement de cette beauté pure. Ce sont principalement le piano et les synthés qui se chargent de ce climat apaisé avant d’être rejoints, puis dépassés, par la guitare.

Un voyage aussi long exige une pièce imposante. C’est « Space Travel » - of course - qui se déploie durant plus de 10 minutes. Tout le monde est convoqué pour la manœuvre mais dans l’ordre et avec méthode. Les parties s’enchaînent avec clarté et nous emmènent en totale apesanteur. Saxo et basse ne sont pas là pour faire de la figuration. Le vide intersidéral « Emptyness », vertigineux, crée un manque, une angoisse. Les touches noires et blanches soulignent le chant inquiet de Marcin avant une montée en gamme très colorée - qui retombe finalement - comme une bouffée délirante. L’instrumental « Kuiper Belt » incarne l’exaltation de notre astronaute qui, parvenu aux confins du système solaire, aperçois la planète rêvée. L’atterrissage, enfin ce qui en tient lieu, ne se déroule pas comme prévu. La manœuvre doit être postposée. Les nuages épais « Thick Clouds » empêchent l’approche du vaisseau. La basse menaçante, les claviers bloqués sur un motif, la guitare rageuse matérialisent cette descente contrariée.

Un coup pour rien. « Toward The Unknow » marque la déception avec sensibilité et feeling. Les solos de saxophone ornent la trame lente tendue par la guitare acoustique, les claviers et la section rythmique à pas comptés. Le chant désabusé de Marcin laisse percevoir sa déconvenue. Plus enlevé, « Last Chance » se montre très Rock, voire Pop dans son immédiateté, entraînant, fédérateur, l’ESPOIR incarné. Marcin a opté pour une fin ouverte. Clavier tintinnabulant, guitare aux notes étirées, entrée de la section rythmique, pour un « New Beginning » très apaisé. Notre aventurier dit qu’il a trouvé sa nouvelle demeure. J’y vois plusieurs lectures possibles.

Bel album. Très bel album. Le récit immersif s’imbrique dans un environnement musical cosmique – orné de quelques effets sonores distillés avec retenue - qui varie d’humeur selon l’étape considérée. D’une grande mélodicité, l’ensemble est cohérent et homogène. « In The Space » est un tout et doit être abordé comme tel.