A ceux qui croyaient que le prog était moribond et à l’article de la mort, voici un nouveau groupe d’Espagne qui va les décevoir. Regna. D’ailleurs, je me suis tapé une petite recherche sur ProgArchives que je me permets de partager avec vous. Dans le top 100 de 2023, nous ne retrouvons pas moins que 8 premiers CD et 12 deuxièmes CD. Donc, 20 pour cent des artistes qui en sont à leur premier ou second album. Encourageant n’est-ce pas ? Oui, de la relève, il y en a. Comme Regna.

Le groupe se décrit lui-même dans sa biographie comme un mélange de prog britannique et italien avec une touche de scandinave. Et le résultat est probant. A croire qu’un Master Chef se soit assuré que la sauce allait prendre. Et elle a bien pris, la sauce, avec ce premier album, j’ai nommé « Cinema ». Ouais, ils sont allés à la bonne école ces six cuistots espagnols, et ils ont bien retenu leur leçon, en nous offrant une œuvre assumée digne de leurs inspirations des années soixante-dix. La nostalgie règne certes mais avec une approche résolument plus moderne et raffinée.

Aux plus jeunes parmi ceux qui liront cette chronique, je dis ceci : si vous voulez savoir comment sonnait une orgue Hammond B3 avec un Leslie qui gratte avec un son d’enfer, la pièce d’ouverture, « Opening Credits » va vous en faire toute une démonstration. Le clavier de Miquel GONZALEZ déchire littéralement avec une espèce de Fantôme de l’opéra à la Jon Lord. Frissons. Suit sans avertissements ou presque « Return to… » (qui me fait un peu penser à « House of the Rising Sun » de The Animals / Le Pénitencier de Johnny Hallyday) menée par Marc ILLA à la voix dans un anglais ma foi fort acceptable. Bon, ce n’est pas Pavarotti nous en conviendrons mais il aura l’opportunité de mettre sa voix beaucoup plus en évidence un peu plus tard, le temps de la réchauffer un peu.

La troisième pièce, « Spyglass », nous présente une structure musicale proche de Genesis avec une portion instrumentale, puis vocale, puis instrumentale avec solo de synthé, puis vocale appuyée par la guitare rythmique d’Alejandro DOMINGUEZ (ou de Xavier MARTINEZ !). Très solide. En quatrième place, « Tangent » démarre sur un riff de guitare trahissant subtilement les racines hispaniques du groupe, et qui reviendra clore la pièce à la toute fin. Entre les deux, le prog plus classique reprends ses lettres de noblesse alors que le rythme alterne à nouveau ici laissant beaucoup de place aux musiciens.

Non satisfait de nous avoir fait retrousser les poils avec son intro sur « Opening Credits », GONZALEZ remet ça avec son mellotron, en track flute, cette fois-ci sur « Dramatis Personae », qui fusionne parfaitement avec la pièce de résistance, « Accolade », et ses 20 minutes bien comptées. Construite by the book, la pièce est l’occasion pour Marc ILLA d’enfin démontrer de quel bois il se chauffe et pour les autres musiciens d’y démontrer leur indéniable talent. L’orgue est à l’avant-scène mais les guitares solo et rythmique ne s’en laissent pas imposer, le tout dans une cohésion remarquable qui ferait rougir plusieurs groupes bien plus établis. Pas de temps morts ici, de la grande musique du début à la fin. Une pièce grandiose et épique dans tous les sens du mot.

Regna est à tous les points de vue un groupe à surveiller. Eux qui avaient déjà annoncé leurs couleurs avec leur excellent EP « Meridian » il y a de cela quand même huit ans en 2015, leur « Cinema » mérite qu’on s’y attarde. Difficile à croire qu’il s’agit-là d’un premier album. J’ai définitivement envoyé mon Top 15 trop vite cette année. Cet album y aurait trouvé une place de choix dans les hauteurs.