Cinquante ans. C’est le nombre d’années qui se sont écoulées depuis l’opéra rock « Guelph » du groupe SLOAN en 1974, le seul album de ce groupe français. Cette bande menée par Claude SEGALIN s’était dissoute quatre ans plus tard en 1978, mais surprise il y a quelques années : cet artiste reprend du service avec de nouveaux acolytes sous le nom de SLOAN SQUARE BAND. Un premier nouvel album voit le jour en 2021 (intitulé également « Guelph », tout comme l'opéra rock de 1974, mais il s’agit d’un tout nouvel album avec de la nouvelle musique; seul son titre est identique). Puis un deuxième nouvel album, « Thoughts », voit le jour en 2024. Entièrement composé par SEGALIN, le groupe nous offre un disque néo-prog/AOR de très haute qualité, qui est un de mes préférés de l’année, et ça me fait plaisir de vous le présenter aujourd’hui : neuf pièces concises, aucune ne durant plus que six minutes, mais toutes excellentes!

Le français SEGALIN s’est adjoint pour cet opus les services d’un collaborateur hors-pair : Richard GROULX. Originaire de la province de Québec au Canada, GROULX est connu entre autres pour ses nombreuses participations à des comédies musicales, dont « Hair » en 1970 au Québec ainsi que la célèbre « Starmania » en 1980 (puis à plusieurs autres éditions de « Starmania » ultérieurement, tant au Québec qu’en France). Sur cet album de SLOAN SQUARE BAND, chanté en anglais, GROULX fait découvrir son impeccable voix aux personnes qui ne la connaissaient pas déjà. Parfaitement bilingue, il a également adapté en anglais tous les textes écrits en français par SEGALIN. Cet album est également agrémenté par le célèbre bassiste Guy PRATT, connu pour avoir travaillé avec PINK FLOYD, qu’on peut entendre sur toutes les pièces de cette galette sauf une.

On découvre d’abord l’album avec la pièce titre « Thoughts » (10/10) : un début tout en douceur, claviers et piano accompagnant la superbe voix de GROULX. Puis la guitare langoureuse à la GILMOUR surgit, et déjà on goûte à la magnifique section rythmique de Tony VALENZUELA (batterie) et Guy PRATT (basse), qui viendra pimenter tout l'album. Ça m'arrive souvent, à la simple écoute d'une chanson alors que je n’ai pas la liste des pièces sous les yeux, de savoir que c'est la dernière de l'album, car je sens que c'est la grande finale, que c’est l'épique. Eh bien ici pour cette première pièce, c'est ce que j'ai ressenti : je croyais avoir fait jouer la dernière chanson par erreur, tellement cette pièce est grandiose, orchestrale; du prog atmosphérique à son plus intense! (Scoop: la dernière pièce du disque, comme vous allez le lire plus loin, est, elle aussi, assez incroyable. Pas de jalousie alors, c'est que du bon, peu importe la position!). Un solo de guitare savoureux et hyper-mélodieux de Didier LEBOUCHER s’offre à nous au milieu de ce premier morceau, suivi d’une guitare à la « Another Brick in the wall, Part 1 ». Tout au long de la pièce, on peut entendre l'excellent orchestre à cordes (violons, alto, et cello), présent également à plusieurs autres endroits sur l’album. La première pièce se termine en nous rappelant les albums solos de Roger WATERS.

Bon, j’ai beaucoup écrit sur le premier titre (il était tellement bon!), mais je vais essayer d’être plus concis pour les autres pièces. La deuxième chanson, « Odd Love » (9,5/10), est une géniale pièce pop rock de type ver d’oreille, avec une excellente basse très mélodieuse. Le « riff » de guitare répétitif à la fin du refrain est simple, mais diablement efficace. « Born » (7,5/10) est une des nombreuses ballades sur cet album, avec tout de même une mi-temps qui est ponctuée d'une rythmique et un solo de guitare rappelant encore une fois « Another Brick in the Wall », mais cette fois la « Part 2 ». Je ne sais pas si c’est la présence de PRATT qui me fait entendre ces comparatifs avec PINK FLOYD; ou serait-ce simplement mon subconscient? Mais peu importe, cela ne sonne pas copier ni réchauffé; c’est très bien et affiche tout de même une bonne dose d’originalité. Cette ballade atmosphérique fait ensuite place à une autre pièce de résistance 10/10, « Fishes ». Une pièce semi-pop/semi-prog, dont la portion pop, très rythmée, se serait bien mariée à la bande sonore de « Starmania », avec son rythme et la voix théâtrale de GROULX qui exhibe agressivité et détermination. La pièce ralentit au milieu pour nous montrer son côté prog, hautement symphonique avec les cordes et la guitare électrique qui embarquent. Des frissons. La voix de GROULX ici : wow, intense et émotive.

« My Father » (9/10) est un magnifique hommage à un papa, sur une jolie mélodie douce avec piano et instruments à cordes. Paroles très touchantes : l'enfant voit son père comme quelqu'un qui fait tout pour celles et ceux qu'il aime, qui ne se plaint jamais, qui est un guide pour l’enfant dans ses moments de doute et de noirceur, et qui a aidé l’enfant à devenir l'homme qu'il est aujourd'hui. Des paroles simples, mais très touchantes, chantées avec émotion par GROULX; une chanson encore plus émotive quand tu as toi-même perdu ton père il n'y a pas si longtemps... On enchaîne avec la pièce prog « Hiroshima » (8,5/10), où la basse est encore omniprésente, ponctuée de flute occasionnelle, gracieuseté de Leina VINX. L'intermède du milieu nous fait découvrir les claviers de Gérard THOURET à la MARILLION et les chœurs féminins, qui je devine doivent être ceux de Joniece JAMISON (EURYTHMICS, Elton JOHN). La ballade « I Will Never » (8,5/10) aurait très bien pu se retrouver sur un album de Neal MORSE, avec sa jolie mélodie et sa finale explosive; plus je l’écoute, plus je l'aime. La toute douce mais puissante « Bag of Lies » (8,5/10) est envoûtante, avec les parfaites harmonies vocales dans le refrain. L’album se termine avec « Jane » (9,5/10), la plus jolie ballade de toutes, avec le splendide refrain. Refrain qui mentionne des lieux de Paris en français : "I will never forget Saint-Germain-des-Prés / With you / I will never forget Les Champs-Élysées / With you". Un solo de guitare pas tellement long, mais bien senti, accompagne le morceau. Cette chanson est une excellente manière de clore ce magnifique opus.

Pour les compositions de SEGALIN, très bien construites. Pour les mélodies et les ambiances, captivantes. Pour la voix de Richard GROULX, une voix au registre étendu, et qui va être découverte avec joie par beaucoup d’amateurs de prog. Pour les musiciens, de grand talent. Pour les invités de marque, qui apportent leur importante contribution. Pour la qualité de la production et des arrangements… Pour toutes ces raisons, je vous recommande chaudement cet album néo-prog/AOR de SLOAN SQUARE BAND. Si vous aimez le genre, vous ne regretterez pas votre écoute!