Cinquième album de ce sous projet de Moongarden, menés par le claviériste Cristiano ROVERSI et le guitariste Davide CREMONI, qui gèrent également tous deux le parc lunaire. Après deux enregistrements assez inégaux, les capitaines du submersible ont tracé une nouvelle voie vers des eaux plus convaincantes depuis leur album « Journey Through Mine » de 2016 et maintenu par « Did Swans Ever See God » de 2020. L'arrivée à l'époque du chanteur Guillermo GONZALEZ a sûrement levé le périscope vers de nouveaux rivages et ce nouveau volet reste résolument sur le bon sillon. Les nouveaux marins sont de bonnes recrues, puisque Marco CROCI (Maxophone) est une solide ancre à la basse, tandis que le légendaire batteur Maurizio di TOLLO (La Machera di Cera) demeure un des meilleurs percussionnistes d'Italie. Il s'attaquera sûrement avec ses grenades sous-marines, démontrant son brio technique habituel. La chanteuse Manuela MILANESE additionne une voix de sirène à l'équipe. Le thème proposé est un périple maritime à travers les Caraïbes, visitant les différentes cultures en utilisant 5 langues différentes (anglais, français, néerlandais, créole haïtien et portugais) dans le cadre des différentes escales insulaires en cours de route. Je suggère donc que les auditeurs vérifient les paroles et se joignent aux aventuriers musiciens en tant que passagers de l’excursion maritime.

Les géants de l'océan ne cessent d'étonner, et « Majestic Whales » donc insuffle une version musicale progressive de cette contemplation naturelle, dont la figure de proue reste une pulsation métronomique de Di TOLLO, jumelée à une infusion de synthétiseurs subtils et une guitare solo qui fend les vagues, le tout délivrant une bonne dose de réflexion et d'esprit courageux. Alors que le thème ne cesse de faire bouillonner la surface, le couronnement se met en place, alors que le guitariste invité Roine STOLT (The Flower Kings) lance une torpille de guitare flamboyante qui finit par faire mouche, exécutant une rafale luisante de notes loquaces. Super morceau, en effet.

« Les Mots Que Tu Ne Dis Pas » constitue un morceau luxuriant qui nécessite quelques tours de piste avant de s'installer confortablement dans l’agrément. ROVERSI exhibe son orgue hargneux avec une efficacité déchaînée, GONZALEZ dévoilant une bonne dose d'angoisse, alors qu'il fait rage dans son micro avec une hostilité tempérée, tandis que Di TOLLO frappe tout sur son passage comme une pieuvre en extase. MILANESE et le piano se joignent à eux pour tranquilliser l'équipage.

Des guitares grinçantes annoncent « Limbo of the Rootless », mettant à nouveau la voix de MILANESE aux premières loges, Guillermo prenant le relais pour finalement aboutir dans une union sacrée des deux voix chantant en parallèle. Un orgue d'église décale solennellement l'ensemble vers une divagation plus blues, cédant le lead à un solo de guitare virevoltant tandis que le mellotron ajoute une bonne dose de ravage. Des sons d’orgues furibondes, des synthés fustigés et un assaut rythmique magistral rendent le sonar hyperactif alors que la température commence à chauffer sérieusement. L'arrangement plonge dans un groove plus sépulcral tandis que le cap est rigidement maintenu, avant que la voix de MILANESE ne rétablisse le thème original avec une finalité achevée.

Le cœur de cet album reste le gigantesque et épique « Suite Atonement » de 21 minutes, où l'équipage à l'occasion de bien étirer ses muscles. Une douceur pastorale offrant guitare acoustique, flûte et mellotron pour commencer, dans un style presque genesisien précoce, les deux voix se fondent dans la mêlée, alors que CREMONI ajoute une guitare hardie, une section de basse percutante rappelant momentanément « the Knife », avant de s'envoler vers des étincelles sonores plus élaborées. Il est souvent appelé le Steve HACKETT italien, avec son répertoire Moongarden et n’oublions pas que Submarine Silence a connu le jour comme un hommage à Genesis (The River of Constant Change). L'arrangement vogue dans des mers orageuses, alors que les vents soufflants frissonnent et secouent la coque métallique, plongeant plus profondément vers des domaines plus calmes (comme le démontre la section de synthé aquatique, les bulles d’air liquides s'échappant des écoutilles). Le groupe passe par une série de chenaux différents où certaines ambiances peuvent prendre place, le duo orgue-basse est pour le moins captivant, une guitare acoustique résonnant dans les abîmes, les doubles voix portugaises, créoles et françaises compressées par la compression suffocante de la cabine, alors que 'Niet Vergeten' est répété solennellement (néerlandais pour 'N'oublie pas'), le destin lointain d'un désastre sans doute à l’horizon. Des marins ivres chantant leur désarroi sous une lune lumineuse.

Le titre bonus « Zena » est une pièce élégante de beauté bucolique, un synthé sifflant et une guitare acoustique préparant le terrain pour une autre pirouette de CREMONI sur sa guitare de prédilection, ajoutant un ton franc et une émotion indéniable à chaque note.

Dans l'ensemble, une sortie bienfaisante qui nécessite plusieurs écoutes, afin de s'imprégner dans le récit et de ressentir une appartenance aux péripéties que les musiciens s'efforcent de créer. En plus, l'œuvre d'Ed UNITSKY sort, comme d'habitude, hors du commun !