CHRONIQUE / REVIEW
Teodicea
Il Mondo Esausto
Releases information
Release date:
October 7, 2024
Format:
CD, Digital
Label:
From:
M.P. Records
Italie / Italy
Thosmas Szirmay - October 2024
9,3
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Avis aux amateurs de piano !
Voici donc la première réalisation du claviériste Enrico FILIPPI, ancien du groupe italien Aliante (que j'adore), ayant quitté après le second de leurs trois albums, s'aventurant actuellement dans un nouveau projet en ajoutant une section rythmique athlétique composée de Jacopo MORANDI à la basse ainsi que du batteur Giacomo PUTRINO. Bien que Teodicea soit définitivement un trio, la musique est entièrement instrumentale, de sorte que toute comparaison manifeste avec ELP est malsaine et doit être immédiatement oubliée. Le nom du groupe s’explique dans leur communiqué de presse : « Teodicea (Théodicée - « Justice de Dieu », du grec theos, dieu et dike, justice) est une branche de la philosophie (théologie) qui étudie la relation entre la justice de Dieu et la présence du mal dans le monde. L'album « Il mondo esausto » (Le monde épuisé), comme son titre l'indique, est la vision du monde contemporain qui tend à donner, priver et engloutir des émotions à l'être humain, rendant ce dernier affligé par le sentiment d'impuissance face à l'impossibilité de pouvoir réaliser dans le quotidien ce que l'esprit conçoit ou désire. Les morceaux toucheront de manière tout à fait personnelle l'émotion et la sensation que chaque morceau veut suggérer, soit la frénésie, la courtoisie, la frustration, la résignation, puis l'espoir, et la joie. L'auditeur est accompagné dans ce vortex émotionnel que personne ne peut nier d’avoir éprouvé de temps à autre.
Sur une note personnelle, mon aventure prog de 50+ ans d'apprentissage est finalement arrivée à la consécration d'un instrument glorieux que je tenais pour acquis à l'adolescence, impressionné sans doute par la nouvelle technologie de synthétiseur. Au cours de la dernière décennie, le piano est devenu mon sanctuaire sacré (à la fois le piano à queue et le piano électrique), un outil fascinant qui conglomère parfaitement la mélodie et le rythme, souvent main dans la main (gauche et droite, rires). Il y a vraiment beaucoup de cette glorieuse personnalité sonore sur ‘’Il Mondo Esausto’’.
L'attrait fascinant du morceau d'ouverture, « Gioia e Risoluzione » jette les bases d'une magnifique balade dans la beauté hautement lyrique, émotionnelle et passionnée de l'ensemble de l'album. Le motif initial est d'une puissante éloquence, le piano séduisant la basse chaude dans le même pli, une douce percussion unissant le tout, établissant un thème joyeux d'espérance et de salut. Une deuxième virée insuffle un son entraînant d'orgue Hammond, la guitare basse sculptant avec un abandon audacieux et le rythme s’élève vers un paroxysme duveteux. Inévitablement, une ligne de synthé savoureux superpose une autre couche de notes luxuriantes, avant de pivoter vers un solo de basse et une réapparition du thème initial forgé par le piano. Pour ne pas lorgner trop loin en arrière, l'orgue et les synthés reviennent pour une seconde accolade sous les projecteurs. Bravo!
Avec un soupçon magique du clavier à la Duncan MACKAY, « Il Viaggio del Moro » est une création tout aussi ambitieuse que le morceau d'introduction, un vortex de structures assorties aux claviers, entraînant une mélodie clairement définie, où le piano, l'orgue et le synthé se précipitent jusqu'à la ligne d'arrivée, sans la moindre retenue. Une pièce cinématographique avec un rythme presque haletant, le mouvement sonore aventureux, alors qu'un thème majestueux surgit soudain de nulle part, le piano peignant une belle toile de notes qui ose aspirer à des hauteurs célestes. Dans un style prog typique, les variations maintiennent des sonorités hardies, déplaçant la même mélodie de base vers des horizons culminants, comme l'illustre parfaitement une envolée grésillant du synthétiseur, tout droit sorti de la banque de sons de Tony BANKS ! La technique et le toucher, se retrouve en union, main dans la main.
En parlant de BANKS, « Ineluttabile » est l’actionnaire d’une réflexion syncopée d'un synthé miraculeusement acrobatique, un véhicule tordu et virevoltant, attendant l'arrivée du piano et de l'orgue avec une allégresse opportuniste, les deux brillant glorieusement. L'accent est mis sur la livraison de sons des plus agréables, rien n'est ni exagéré, dissonant ou inutilement tiré par les cheveux, juste un jeu mélodique solide qui laisse l'auditeur imaginer ses propres scénarios cérébraux, une offrande sûrement digne d’un public prog avertie. « Intro 422 » est le moment où Jacopo MORANDI participe à la création d'une mélodie absolument colossale en collaboration avec le piano élaboré d'Enrico. Des cloches percutantes et des synthés subtils ajoutent une ornementation précise, l'électronique prenant le relais en hurlant des prouesses débridées, on se retrouve en retenu dans une classe de maître, agenouillé devant le sanctuaire de l'expression harmonieuse.
L'étendue magique de cet archipel arctique norvégien est décrite musicalement sur « Lofoten », un piano affable qui mêle les orchestrations glaciales du violoncelle avec un flair intense. Comme un drone volant armé de synthétiseurs, le groupe nous transporte dans un vol visuel au-delà des sommets et des vallées, plongeant près des célèbres maisons de couleur rouge, puis survolant la mer glacée parsemée d'icebergs imposants. Rythme aéré sur « Ripresa di Coscienza », où des bandes ondulantes de sons soyeux enchantent et étonnent, de belles réverbérations qui finissent par plaire à l'esprit. Lorsqu’ Enrico triture son orgue avec un double assaut du thème désormais familier, la basse se blottissant éperdument dans le courant sous-jacent et de concert avec les syncopes obéissant au rythme, on ne peut s'empêcher de sourire devant toutes ces prouesses engagées.
Pourquoi ne pas se lancer dans un jazz-rock/fusion sur « Punto di Fusione » ? Le travail piano/cymbale est certainement une page tirée tout droit de l'école de jazz, mais seulement pour mieux engendrer d'énormes vagues de mellotron, qui projettent l'arrangement vers un mode prog symphonique caractéristique, où le piano règne, rifflant, martelant et fléchissant avec en partenariat, le ton vrombissant du Hammond. Félicité. La souffrance de l'univers est idéalement exaltée sur le désespéré « Weltschmerz », une tranche éloquente de réflexion, incorrigiblement romantique et à propos. Une fois de plus, les ivoires en noir et blanc dansent sous les doigts agiles de notre claviériste, construisant une atmosphère opaque qui frappe fort, évoquant un million d'images, chacune selon les caprices des oreilles du spectateur, personnelles et prémonitoires. Les dernières secondes sont particulièrement écrasantes de lucidité.
Clôturant ce premier album sur une note des plus inspirantes, le duo Hammond et Mellotron sur « 777 » scelle la cire écarlate sur cet album magistral, alors qu'Enrico, Jacopo et Giacomo combinent leurs talents respectifs pour créer une démonstration de rock progressif cohérente, raffinée et stylistiquement impeccable. Comme il sied à une pièce ultime, ce rideau de velours réunit toutes les qualités que ce groupe semble offrir à la pelle, le projecteur fixé sur l'orgue d’église étant un exemple irréprochable de leur vision musicale, afin que tout reste excitant et agréable à tout moment.
J'hésite toujours à donner les plus hauts éloges à un premier album, mais je dois avouer que la carrière passée d'Enrico avec Aliante élimine mes craintes de mettre la barre trop haute! Je suis un fan, après tout! J'attends les parutions futures de ce nouveau groupe d'Italie avec un immense enthousiasme !
PISTES / TRACKS
- 1-Gioia e Risoluzione (6:34)
2-Il Viaggio del Moro (6:32)
3-Ineluttabile (5:44)
4-Intro 442 (4:42)
5-Lofoten (3:39)
6-Ripresa di Coscienza (4:42)
7-Punto di Fusione (3:19)
8-Weltschmerz (5:45)
9-777 (5:36)
musiciens / musicians
- ENRICO FILIPPI - Keyboards
- GIACOMO PUTRINO - Drums
- JACOPO MORANDI - Bass