Plus de vingt ans après sa création, le groupe THE TANGENT, formé par le leader incontesté ANDY TILLISON, devient un projet solo le temps d’un album. Mais le nom demeure et les pièces feront partie du répertoire susceptible d’être jouées en spectacle par THE TANGENT lorsque la formation redeviendra un quintet.

Pourquoi « To Follow Polaris » est-il le projet d’une seule personne ? La première des raisons est que les autres membres du groupe, JONAS REINGOLD, THEO TRAVIS, LUKE MACHIN et STEVE ROBERTS ont passé une grande partie de l’année 2023 sur la route avec les STEVE HACKETT, SOFT MACHINE, KARNATAKA, DAVID CROSS, FRANCIS DUNNERY’S IT BITES, CYAN, etc. L’autre raison, ANDY TILLISON nous la donne lui-même. ‘J'ai toujours voulu faire cela, utiliser ce que j'ai appris de LUKE, JONAS, STEVE, THEO et de nombreux autres musiciens et porter un projet jusqu'à la production finale. C’était le moment ! L’objectif était de tout faire, y compris la pochette de l’album, le mastering de l’album, le mixage de l’album, la préparation des masters pour faire les CD et les vinyles, les illustrations prêtes à imprimer. J’ai tout fait. Et il y a quelques fois où j’ai rempli un sac à dos de CD et les ai apportés sur ma moto au bureau de poste de Grassington, donc j’ai distribué aussi !’

Lorsqu’on lui demande pourquoi il n’a pas sorti l’album au nom de ANDY TILLISON, il répond, ‘Un album de The TANGENT réponds à certains critères quant à ce qu’il est réellement. THE TANGENT est un groupe de rock progressif qui joue une musique socialement consciente, actuelle, éveillée, qui ne craint pas d'aborder différents genres musicaux, dont certains ne sont normalement pas associés au prog et d'autres sont très différents. Une fois que j’ai commencé à faire un disque qui répond à toutes ces cases, je peux alors commencer à le considérer comme faisant partie de THE TANGENT.’

Dès les premières mesures du premier morceau, « The North Sky », le son, la musique associée au groupe est clairement celle que nous entendons et cela s’applique à l’ensemble de ce « To Follow Polaris ». C’est une évidence que le leader du groupe offre une stabilité musicale à THE TANGENT. C’est aussi une évidence de dire que l’on ne remplace pas les TRAVIS, REINGOLD et Cie très facilement. Leur façon de jouer a influencé TILLISON mais celui-ci a eu recours à l’attirail électronique et informatique qui permet aux musiciens de s’affranchir de l’absence de complices musicaux. Cependant, malgré les talents de notre homme, la guitare est moins présente sur l’album, de même que la flute et le saxophone qui, lorsque présents, sont électroniquement contrôlés. De plus, et ici réside ma principale difficulté, la batterie électronique m’a paru un peu sèche par moment et, quelquefois, trop répétitive dans son rendu sur plus d’une heure. En revanche, il faut reconnaître que son travail aux claviers, orgue, synthétiseur et autres, offre l’excellence et est souvent brillant.

Un autre volet bien connu du groupe est la teneur des paroles de ANDY TILLISON. L’homme est conscient et socialement engagé. Par exemple, sur le plus long morceau, « The Anachronism », il fustige à bras ouvert les gouvernements qui limitent la démocratie à faire un X sur un bulletin de vote aux quatre ou cinq et qui semblent inaptes à créer autre chose que la pauvreté, le racisme et la souffrance. Avec ses multiples changements de tempo, ses mélodies de haut-niveau, notamment, les vingt-unes minutes passent rapidement et agréablement. Je retiens particulièrement des passages aux accents puissants et un peu industriels et une superbe prestation au synthétiseur aux deux tiers du morceau. Le brillamment nommé « A Like in the Darkness » est un regard sur ce qu’est être un artiste peu connu dans un monde où le piratage affame les musiciens et où les like deviennent un signe de succès. « The Fine Line », de son côté, porte sur la constance des mauvaises nouvelles rapportées par les médias. Malgré l’intérêt certain des propos de l’auteur, l’instrumental « Tea at Bettys » est une des pièces qui m’a beaucoup plu. Elle débute en douceur comme si on écoutait un groupe de jazz dans le salon de thé d’un hôtel chic. Puis la musique se déstructure peu à peu, et ensuite lorgne vers ZAPPA ou KING CRIMSON. À mi-parcours, on entre dans un univers un peu fusion. L’orgue de TILLISON ramène de l’ordre, en quelque sorte, dans la pièce. Ce qui n’empêche pas un passage funky subséquent qui stoppe au profit d’un passage empreint de douceur et de beauté. Pour clore ce périple musical qui demande l’attention mais offre une récompense, quoi de mieux que de reprendre un peu de thé puisque le morceau termine comme il a débuté.

« The North Sky » qui débute l’album est peut-être celui qui fédérera le plus les amateurs. Que ce soit par la teneur du message livré sur l’étoile polaire qui constitue un point d’ancrage pour toutes et tous, même pour les conspirationnistes et ceux qui doutent que la terre soit ronde. Ajoutons la gaieté et la joie-de-vivre qui se dégage de ces douze minutes et un refrain vraiment accrocheur et nous avons là mon morceau favori, typiquement THE TANGENT qui plus est.

En conclusion, « To Follow Polaris » peut et doit être vu et entendu comme un le légitime treizième album studio du groupe. L’heureux mélange progressif teinté d’un jazz souvent orienté Canterbury, assaisonné de pop ici et là, parsemé d’influences diverses et de propos acerbes ou éclairés sur notre monde est bien présent. Les talents d’écriture et de musiciens d’ANDY TILLISON sont tels que beaucoup se régalent et se régaleront des sept morceaux. Pour ma part, j’ai éprouvé beaucoup de plaisir à l’écouter de très nombreuses fois pour cette chronique. En toute transparence, ce ne sera pas mon premier choix lorsque je voudrai écouter un album du groupe dans le futur.