CHRONIQUE / REVIEW
Turbulence
B1nary Dream
Releases information
Release date:
March 8, 2024
Format:
CD, Digital
Label:
From:
Frontiers Records
Liban
Mario Lafrance - August 2024
9,3
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Les troisièmes albums. Pour beaucoup de groupes, particulièrement dans le monde du rock progressif, les troisièmes albums ont été d’une importance capitale dans leur évolution. Que ce soit pour Genesis (« Nursery Crime »), Yes (« The Yes Album »), ELP (« Trilogy ») ou Gentle Giant (« Three Friends »), leurs troisièmes albums ont été déterminants dans leur carrière, traçant une marche à suivre qui les a menés à la gloire. Le contraire est aussi vrai pour certains, pour qui le troisième album a été marqué au fer rouge de l’erreur à ne pas répéter, comme King Crimson avec « Lizard ». Enfin, vous voyez l’idée.
Ce qui nous amène au troisième album du groupe libanais Turbulence, « Binary Dream ». Tout comme ses illustres prédécesseurs, Turbulence est à la croisée des chemins avec son troisième opus. Quelle sera la trajectoire qu’empruntera le quintette ? Déjà une tendance semble se dessiner. Turbulence, fondé en 2013 par Alain IBRAHIM et Mood YASSIN, lance son premier album « Disequilibrium » en 2015 qui sera fortement inspiré de Dream Theater, groupe qu’il a longtemps imité lors de concerts hommage. Puis, en 2021, Turbulence nous présente « Frontal » aux influences ‘’hakenniennes’’ plus marquées, ce qui lui sied bien s’il faut en croire sa 54e position dans le palmarès de Progarchives cette année-là. Mais on sent que le groupe se cherche encore. Trois plus tard, la quête est terminée.
« Binary Dream » demeure résolument métal mais l’introduction d’une sonorité plus orientale donne à ce troisième album la personnalité tant recherchée. Bien dosé, fusionné à la perfection, moins omniprésent qu’avec Myrath par exemple, le son plus traditionnel qui colle assurément à la peau des musiciens, permets au groupe de s’épanouir littéralement tout en rendant hommage à leur culture libanaise. Les deux premières pièces de l’album, « Static Mind » et « Theta », ne font qu’une en réalité, la première étant l’introduction de la seconde. Le tout débute par un tempo électronique répétitif avant l’arrivée de la voix a cappella de Omar EL HAGE. Une mélodie orientale fait son apparition en arrière-plan puis la guitare et la batterie, le tout aboutissant au déchainement de « Theta » sous une montagne de décibels nous rappelant qu’on a bel et bien affaire à un band de métal, si progressif soit-il.
« Time Bridge », première des trois pièces instrumentales de l’album, suit illico avec une approche hybride alors que la guitare se fait lourde et que les instruments à cordes (violon, alto et violoncelle) se chargent de l’atmosphère musique du monde, nous transportant sur les dunes pour siroter un thé. On sent presque les rayons de soleil sur notre peau. Les cultures ici s’entrechoquent de façon magistrale créant un mélange de genres tout aussi hétéroclite et bigarré que surprenant. Fusionnel et tout à fait réussi. Avec « Manifestation », les musiciens s’en donnent à cœur joie alors que chacun brille de mille feux dans cette deuxième pièce instrumentale. Elle est la preuve qu’une pièce instrumentale peut se sublimer si elle est bien construite et jouisse d’une mélodie digne de ce nom. Turbulence en fait ici la démonstration.
La pièce suivante, « Binary Dream » est la plus métissé de l’album et s’avère un grand cru de plus de 14 minutes. Dès les premières notes, on sait que le voyage sera palpitant. L’utilisation du qanun (7 :53), instrument traditionnel à cordes pincées, nous amène plus loin que les dunes. Nous voici dans une oasis où l’arak coule à flot. Mais ce qui a d’abord retenu mon attention est l’incroyable riff de guitare à 1 :30. La guitare d’IBRAHIM appuyée par le synthé de YASSIN donnent le ton à la mélodie qui reviendra opportunément tout au long de la pièce. La basse de ATWE est agressive et souple à la fois. Les percussions de BERTHET (qui en passant remplace Sayed GEREIGE, dont les obligations l’ont empêché de participer à l’enregistrement. … Je crois qu’il est médecin…) sont tout simplement ahurissantes de précision, d’habileté et de virtuosité. Quant à EL HAGE au chant, il n’est pas en reste. Possédant un registre vocal des plus étendus, il passe avec une facilité déconcertante de l’émotion à fleur de peau à la puissance contrôlée que le métal impose.
« Hybrid » ne nous donne pas de répit et démarre sur les chapeaux de roue. Métal pur ici. EL HAGE ne va pas dans la dentelle et donne le ton à cette pièce typiquement saccadée à la Haken. Du vrai bonbon. Les deux dernières pièces, « Corrosion » et « Deerosion » vont ensemble à l’image de « Static Mind » et « Theta » et nous amènent ailleurs et témoignent d’une grande versatilité de la part des musiciens, illustration qu’ils peuvent faire autre chose que des accords barrés à la guitare. On nous offre en conclusion des passages plus mélodieux qui se transforment en plus pesant, à la Docteur Jeckyll et M. Hyde, et de sublimes harmonies de guitare lors de l’instrumentale « Deerosion » qui se termine en fade out dramatique… mais dont on aurait aimé quelques mesures de plus.
Comment conclure ? C’est bien simple, « Binary Dream » représente le mariage parfait entre l’Occident et l’Orient. Si un jour les Nations unies organisent un concert pour la paix au Moyen-Orient, Turbulence doit en faire partie, symbolisant la preuve musicale vivante que nos deux cultures peuvent vivre en harmonie. Et alors, l’histoire du troisième album de mon introduction ??? L’avenir nous le dira bien sûr mais il y a fort à parier que Turbulence est en route vers le succès. Personnellement en tout cas, « Binary Dream » fera partie de mon Top 15 à la fin de l’année. J’avais adoré « Frontal » mais ce dernier opus a dépassé mes attentes.
PISTES / TRACKS
- 1. Static Mind (1:31)
2. Theta (5:04)
3. Time Bridge (1:53)
4. Manifestations (6:28)
5. Ternary (4:17)
6. Binary Dream (14:06)
7. Hybrid (6:07)
8. Corrosion (5:45)
9. DeErosion (3:31)
Total Time 48:42
musiciens / musicians
- Omar El Hage / Vocals
- Alain Ibrahim / Guitars
- Mood Yassin / Keyboards
- Anthony Atwe / Bass
- Morgan Berthet / Drums