Rien ne l’indique dans le nom de ce collectif, ni dans le titre de l’album, mais ce quintet est originaire de l’Astrakhan (Russie) sur le delta de la Volga. Très prolifique, le groupe enregistre un disque tous les ans, ou presque (maximum deux) depuis 2006.

De Ludo Globi Pars Una (20:05) : Où l’on entre via une ouverture tintinnabulante (glockenspiel et kalimba) rejointe par les cuivres (trompette, saxophone) et une guitare éthérée et inspirée. La pièce se développe via l’arrivée des cordes (violon) et de la flûte. C’est parti pour vingt minutes de surprises et rebondissements, plus imprévisibles les uns que les autres, même après plusieurs écoutes. On est balancé entre le jazz et un rock psychédélique de grande qualité. Des phases narratives évoquent une bande sonore de long métrage. L’articulation instrumentale se fait dans la légèreté, l’un entre, l’autre sort, ou, à l’unissons, le thème (du moment) est exposé sur base d’un jeu de batterie complexe et de lignes de basse d’une belle efficacité. La formation travaille dans le flux et le reflux, laisse souvent un bourdon derrière les exécutants lead. L’écoutant voyage, baguenaude, sans carte, suivant les modifications d’itinéraire et découvrant sans cesse de nouveaux paysages surprenants.

De Ludo Globi Pars Duo (20:23) : A l’entame, sur un motif répété, ce sont principalement les cuivres qui entrent en jeu. La flûte ne craint pas de se glisser tandis que l’architecture se met en place. C’est assez free jazz, avec quelque chose de Canterbury. Un peu désordre à la première écoute, le charme opère ensuite car s’il subsiste des aspects jam-sessions, l’auditeur n’est pas perdu pour autant. Une guitare électrique lead s’impose pour remettre un peu d’ordre. Le second tiers se montre spatial, plus apaisé. Les claviers campent l’ambiance et le violon s’insère cette fois de façon décidée. Les initiatives personnelles sont nombreuses et stratégiquement placées. Les variations de structures rythmiques laissent place à un climat étrange et mystérieux. Le groupe continue sur cette base, brodant des motifs distincts, laissant la plage s’étirer paresseusement. Beau retour des cuivres avec des notes piquées. A 18 minutes l’ensemble s’attache à un thème qu’il répète sur base de coups brefs sur caisse claire et de basse directive. Brusque arrêt à 19’40 pour reprendre cette dernière trame entêtante…Plus hardie que la première, cette partie se montre moins abordable mais le plaisir n’en est que plus important au fur et à mesure qu’elle se découvre.

La proposition musicale contenue dans ce quatorzième album est absolument saisissante. Parfois à la limite du décrochage, l’imagination et la virtuosité des artistes leur permet d’aller loin dans leurs envies et inspirations diverses. Si je devais mettre en image cette musique j’évoquerais un origami très complexe qui tournerait sur un socle et montrerait ses différentes et nombreuses facettes suivant l’angle du regard et la réception de la lumière sur la sculpture en papier. Un spectacle dont on ne peut se lasser…