La formation WEGFEREND (voyageur, vagabond en vieil anglais) a choisi soigneusement son nom. Leur proposition musicale singulière brasse diverses cultures et est imprégnée de références discrètes. N’utilisant pas d’instruments amplifiés, l’idée de placer « En Autremonde » dans la case Folk peut venir à l’esprit. Ce serait regrettable, tant les compositions sont travaillées, diversifiées, personnalisées, polies.

« Gedim », pièce d’ouverture, est infusée de colorations arabo-andalouses, évoquant un mythe araméen qui se réfère au passage du soleil dans le monde des morts, une évocation du cycle vie-mort qui rythme nos existences depuis toujours. Les dogmes sacerdotaux, les abus des hommes d’église - qui ne sont pas la messe-les fanatismes font l’objet d’ « Holy Ghost ». Les paroles sont librement inspirées des actions de Girolano SAVONAROLLA (XVème siècle), prêcheur dominicain, qui poussait ses ouailles à revenir à la piété et la pauvreté du Christ. Son attitude dogmatique, intransigeante et plus que discutable est ici dénoncée. Idéalement placé ; « The Wayfarer », contenant des textes d’inspiration ancienne, qui servent de base aux paroles d’Alexia, met l’accent sur notre besoin de déconnection de ce monde déraciné afin de revenir vers la spiritualité. Le retour aux sources anciennes, incarnée par le « Druide » parle des savoirs oubliés mais aussi, et surtout, de ceux qui se promènent en forêt sur ses traces. Les vocalises de « Lost in Rêveries », sans texte précis, invitent à se perdre dans son propre esprit et offrent une respiration méditative. L’occitan s’invite dans « Jos l’Uèhl de la Brèissa » qui évoque l’histoire d’une sorcière-guérisseuse - mi bienveillante, mi inquiétante - qui aide quelqu’un perdu en lui-même, déraciné, à se redresser et se reconnecter à la (sa ?) nature en faisant appel aux forces primitives. L’envie (le besoin ?) de quitter le monde actuel, de laisser derrière nous les ruines et les démons pour aller « En Autremonde » le cœur léger termine ce bel album agréable, séduisant mais aussi intelligent.

J’accorde une grande importance à la clarté du mix, l’espace, le silence. « En Autremonde » est très aéré (avec 15 instruments qui interviennent), fluide, harmonieux, homogène, brillamment équilibré avec un côté ensorcelant et onirique qui favorise l’intériorisation et stimule l’imaginaire. Cerise sur le gâteau ; les illustration (cover, intérieur et livret) – dues à Marine JOUMARD (photos de Lionel PRESQUÉ – sont parfaitement appropriée au contenu musical. Une fort remarquable réussite.