Pour une fois j'aimerais vous amener vers un territoire, un lieu, où vous n'avez probablement pas mis les pieds, ni a fortiori vos esgourdes : le berceau du voyage auditif. Un Land art musical sans équivalent dans le monde de la musique rock progressif, et plus exactement, une fusion des genres musicaux que sont les musiques celtiques orientales, ibériques, et kabyles ; je dirais presque ethnique, que propose SEVEN REIZH. Il faut remonter à plus de deux décades pour voir naître en territoire armoricain, la rencontre d'un duo breton GERARD le DORTZ et CLAUDE MIGNON. Ils sont originaires plus précisément de la presqu'île de CROZON, l'autre bout du monde ! Comme le disent certains ! Gérard écrit les textes et Claude compose la musique avec sa guitare ou son piano. Amoureux l'un et l'autre de rock progressif des années 70, notamment de PINK FLOYD, GENESIS et CAMEL. Ils fondent SEVEN REIZH en 1999 avec l'envie de mélanger les genres musicaux. Une recette aux saveurs atypiques qui en fera leur particularité. Elle se compose d'une petite dose de rock progressif, un gros brin de musique celtique et orientale, un nuage de folk coloré de diverses influences ethniques. Ajoutez à cela des textes en français, breton et kabyle. Au fur et à mesure des rencontres, le projet se précise afin de pouvoir constituer une ossature d'artistes issus de la scène des années 2000.

C'est en février 2001 que paraîtra le premier tome "Strinkadenn'Ys" d'une trilogie sous le label MUSEA. S'ensuit "Samsāra" en 2006, ‘’La Barque ailée’’ en 2015 et ‘’L'Albatros’’ en 2018, ainsi qu'un DVD en 2008. Pas moins de quatre albums, tous très bons, de surcroît, récompensés par la presse spécialisée. Aujourd'hui, il s'agit du dernier opus, "Quand s’envolent les mots" sorti le 3 mai dernier. Désormais, seul à la barre, CLAUDE MIGNON s'engoue d'un projet titanesque émergeant à la sortie de « la Barque ailée et de l'Albatros ». "La musique se suffit à elle-même disait-il ?" C'est ainsi que s'envolent les mots, seule reste l'empreinte instrumentale. Dépourvues dès lors de paroles, les mélodies seront restructurées, réorchestrées. Sur les seize morceaux des deux précédents opus, douze seront retenus puis recomposés sans en perdre leur essence. Il s'appuie désormais sur de nouveaux instruments et des voix aux vocalises sublimes, cosmopolites, attirant par la même, l'auditeur au voyage. Pêle-mêle, vous y entendrez une chanteuse française, turque, vietnamienne, un contre-ténor franco-russe, des instruments comme le « Ney » (une flûte Turque), un « guzheng » (instrument à cordes chinois), un « dan thran » (instrument à cordes vietnamien), une flûte bambou chinoise, une « Nickelharpa » (instrument norvégien) et un chœur (voir distribution). Cette œuvre hétéroclite née de la fusion de « la Barque ailée » et de « l'Albatros » ne serait-elle pas la suite de la trilogie ? la quintessence mélodique résumée au plus simple du plaisir auditif, où les cordes résonnent en harmonie avec les vocalises de la voix humaine. Les vents, du souffle des instruments, s'unissent à l'unisson au travers de l'espace-temps définissant un paysage aux décors ethniques nés de la voix et de l'instrument.

Dès les premières mesures, vous entrez en symbiose avec la harpe celtique. Votre voyage sonore s’amorce, vous appareillez, l'ancre du son se lève, vous embarquez vers le soleil levant ou le "dan thran" sonne en osmose avec les vocalises de "Huong Thanh". L'horizon de la voie du milieu résonne à votre ouïe. Mais avant d'en arriver là, l'accueil se fait tout en douceur, puis la dichotomie de la puissance folklorique, celtique avec toute son armada rythmique face à la virtuosité des voix et des instruments traditionnels. "Cheñch", le changement en breton, un petit retour vers le passé et aux origines celtiques de SEVEN REIZH pour cette première moitié du morceau. S'ensuit le violon, la harpe celtique qui feront la passerelle vers une fusion asiatico celtique de pur bonheur à votre appareil auditif. ‘’Kraozon’’ signifie la presqu'île de CROZON. Voilà une petite commune au bord de l'océan à quelques nœuds de BREST. Elle aspire au voyage, à la poésie atmosphérique de l'évasion du grand large, au confluent des couleurs harmonieuses celtiques, orientales et asiatiques. L'imbrication des voix et des instruments ruraux ne fera qu'affirmer la mixité des terroirs, et du voyage sensoriel que témoigne notre imaginaire. "Odisea" Un détour en pays ibérique avec la rencontre des couleurs et des sonorités de la guitare hispanique enrobé des voix d'Orient, prêt à être happé ensuite par les voix du milieu "The Middle Path". ‘’Brems’’ Les réminiscences de « la Barque ailée » et « L'Albatros » font appel aux voix de l'orient. ‘’Herzel’’ la transcendance chamanique aux saccades tribales. Je pourrais passer en revue tous les morceaux car ils le méritent tous. Dès lors et pour conclure, cette fresque sonore, parfois cinématographique, où s'immisce la sarabande. Le compositeur nous convie également à déguster les saveurs de l'orient.

En résumé, que dire de la musique de CLAUDE MIGNON et de son dernier opus ! Des mélodies élaborées, soyeuses, harmonieuses et riches en émotions. Une orchestration sophistiquée, finement arrangée. Mais, il a aussi une appétence, une dextérité à nous offrir une sensation à l'exode. Qui plus est, si comme moi, vous faites aussi l'acquisition du triple vinyle, vous pourrez être dans les meilleures dispositions pour apprécier les illustrations de la peintre Camaret YVELINE ABERNOT. Bonne écoute !